Bienvenue dans mon pays…

Dans ce pays très peu lointain,
Personne n’est jamais allé.
C’est un pays, ou ce n’est rien
Qu’une illusion, une fumée.

C’est un pays avec des tours,
Des bois, des châteaux embrumés ;
Des rues très droites, de grandes cours
Et des fermes abandonnées.

Il y a des arbres qui bougent
Avec leurs feuilles tous les soirs
Sur des fillettes en robe rouge
Cherchant leur maison dans le noir.

C’est un pays avec des gens
Qui semblent ne pas voir, et marchent
Sur des trottoir couleur de sang,
Quand on les croise sous les arches.

C’est un pays avec des temples
Au bout d’avenues désertées.
Du haut des flèches vous contemplent
Des sortes d’oiseaux effarés.

C’est un pays mal éclairé,
Par un soleil dont la lueur
Pâle et dorée semble filtrée
Par les yeux frissonnants des fleurs.

C’est un pays tout intérieur,
Chacun y voit sa vérité
C’est un pays dont on a peur
Tant qu’on n’a pas le fond touché.

C’est un pays où l’on rencontre
Des vieillards à double visage,
Sans chapeaux, appuyés tout contre
Les hauts murs donnant de l’ombrage.

C’est un pays peuplé de chiens,
De chevaux furieux, galopant
Sans fers ni cavaliers humains
Sur les silex étincelants.

C’est un pays vide d’écoles,
Un pays où l’on ne fait rien
Tout le jour assis dans l’herbe folle
Que regarder venir demain.

Dans ce pays, le temps est lent.
Il y a des rivières. Elles roulent
Leurs cailloux et poissons d’argent,
Noyés, diamants, sable qui coulent.

Dans ce pays, si l’on y va
On peut par mégarde y rester
Peut-être bien qu’on restera
Sous un cèdre à jamais couché.

Dans ce pays tous les enfants
Jouent entre eux, parlant à voix basse.
Leurs jeux sont peut-être amusants
Mais ils se taisent quand on passe.

C’est un pays où les parents
Ne restent jamais : ils ont peur
De ces enfants aux yeux méchants
Qui déjà ne sont plus les leurs.

Pourtant ce pays a ses charmes
La vie s’y passe étrangement,
Avec des ombres et des drames
Déployés théâtralement.

Il fait bon vivre en ce pays
Pour celui qui n’a plus de pleurs ;
Dans la pénombre qui sourit
On entend des chants et des Chœurs.

C’est un pays qui est profond
Géré par un autre destin
Avec des pentes et des monts
Qui vous ouvrent d’autres chemins.

C’est un pays d’enfants sauvages
D’animaux désobéissants
Un pays sans tenue, peu sage
A rebours du soleil tournant.

C’est un pays, oui, un pays,
Qui en fait n’est pas très lointain
Ceux qui viennent de ce pays
Tiennent leur coeur entre leur mains.

Dans ce pays on ne peut voir
De satellite que le jour :
La lune poursuit sans espoir
Le soleil qui fuit son amour.

Elle est radieuse pourtant,
Plus lumineuse qu’une étoile
Je crois le soleil mécontent
De voir qu’elle lui fait un voile.

Le soleil se sent ridicule
En ce pays trop écarté
Pour que sa lumière ne brule
Avec assez de majesté.

En ce pays, le soir venu,
On est heureux ou on a peur :
Suivant les jours, le temps, l’humeur,
Des amants se promènent nus.

Mais aussi il est certains soirs,
Où les grands bois sont menaçants :
Leurs ombres suivent dans le noir
Ceux qui se sauvent en courant.

C’est un pays qui est selon :
Il y a des sables mouvants,
Mais aussi de jolies maisons
Au fond de jardins florissants.

Dans ce pays, tous les chemins
Montent ou descendent, vers des collines
Peuplées par des peuples anciens
Parlant une langue divine.

Babylon5

C’est un pays… vu par Cochonfucius

Cochonfucius

C’est un pays où le soleil
Est un trou noir dans un ciel mauve;
Tu y vas pendant ton sommeil,
Lors de ton réveil tu t’en sauves.

Dans ce pays, lorsque tu vois
Auprès de toi un personnage,
Ce n’est pas celui que tu crois;
Et trop changeants sont les visages

Pour qu’on puisse associer un nom
A une personne qui parle.
Ah, c’est Alfred, ah, pourtant non,
Voilà qu’il est devenu Charles.

C’est un pays où quand on prend
Un livre on n’y voit pas de lettres,
Si on les voit on ne comprend
Rien à ce qu’elles pourraient être,

Ou si on veut cartographier
Cet insondable territoire,
On en est bientôt mortifié;
Mais ceci est une autre histoire.

C’est un pays dont le sol mou
Rend la marche un peu malhabile,
Il faut forcer sur les genoux
Et par moments c’est bien pénible.

Les animaux d’un tel pays
Ne sont pas tous reconnaissables,
On ne peut en être obéi,
Certains sont vraiment haïssables.

Dans ce pays, l’instituteur
Donne ses cours à la taverne.
Mais son public est chahuteur,
N’écoutant point ses balivernes.

Et dans ce pays, les cadrans
Des horloges sont fantaisistes,
Ils montrent des chiffres marrants
Et les changent à l’improviste.

Ah, dans ce pays, les tombeaux
Ont subi du temps les ravages;
Leur aspect ne serait pas beau,
S’ils n’étaient sous l’herbe sauvage.

C’est un pays aux nuits grandioses
Mais où les jours sont un peu morts.
On vibre en une apothéose,
L’instant d’après on n’est qu’un porc.

Pays de poissons aux yeux d’or
Dont la chair est décomposée
Et qui avec de grands efforts
Veulent maîtriser leur nausée.

Intoxiqués de volupté,
Ils passeront leur vie entière
A consommer de la beauté
Qui dans le fond n’est que misère.

Point n’est de fin à leurs désirs
Sous le froid regard de la lune,
Ils se prennent sans se choisir,
Leurs joies s’effacent une à une.

Cochonfucius

— Babylon5