I.

Ma mie, c’est le Printemps : allons sur le gazon
De la courée. Nous cueillerons des pâquerettes,
En nous promenant tout près des murs de béton.
Viens donc t’asseoir sans craindre les petites bêtes.

Les chiens y font leur besoins et quelques voisins
Nous lorgnent bêtement penchés à la fenêtre ;
Peu importe ma mie, si ce sont des malsains :
C’est pur amour qui monte du fond de mon être.

Ma mie, entends-tu ronronner les mobylettes,
Le pigeon roucouler au balcon d’à-côté ?
Tes cheveux sentent la rose et la violette
Sous l’aimable ramure des marronniers.

Mois de Mai – sur les bancs de soleil éclaboussés,
Les dealers du quartier ferment l’œil d’un air tendre.
L’usine est loin, c’est une belle matinée :
Un temps si parfait que je voudrais me pendre

II.

Les temps sont durs : les chiens pissent sur le gazon
Les gens désœuvrés piétinent les pâquerettes
Les enfants fument dans les caves de béton,
Dans leurs jeux de mort ils sont pires que des bêtes.

Ils ont par la peur coupé la langue des voisins :
Les pauvres n’osent plus entrouvrir leurs fenêtres.
Il n’y a plus de morale et tout est malsain
Dans ces lieux perdus où l’on n’a pas le droit d’être.

C’est pour les rodéos qu’on a des mobylettes :
Il n’y a pas de travail, et les violettes
Ne valent pas un bon fix sous un marronnier.

On ne sait rien faire mais on sait bien se pendre
On est trop enragé, on ne peut être tendre,
Tennis bon marché ne vont pas au cordonnier.

Babylon5

— Babylon5