Sur le mur aux couleurs défraichies, un portrait
Que les rayons mourants du soir viennent frapper
Au travers d’un carreau poussiéreux et fêlé :
Un visage ébauché dans l’ombre en pâles traits.
Négligent, le locataire n’a laissé là
Que ce tableau, au dessus d’un vieux lit branlant,
Par quelque oubli sans doute, ou bien ressentiment,
Comme un souvenir mauvais dont on ne veut pas.
C’est une tête accablée, aux cheveux défaits.
Le regard est vague, sans aucune brillance ;
Les yeux jadis bleus fixent une lointaine absence.
Il ne voient pas ce monde, mais un au-delà parfait.
Le portrait dévoré d’infimes craquelures
Est souillé de longs sillons de larmes poisseuses
S’écoulant doucement sur les joues, paresseuses.
Plus loin, un ciel d’orage obscurcit la peinture.
Ce visage oublié, il vaut mieux qu’on le laisse
Suspendu à jamais dans cette maison vide
Quand l’araignée travaille à sa toile rapide,
Il s’endort doucement dans le soleil qui baisse.
C’est un tableau de mort et de désolation ;
L’image des regrets, de la déroute atroce,
Du désir éteint par le passé trop féroce
Qui veut du Grand Sommeil chercher consolation.
Babylon5
— Babylon5
avril 8th, 2010 on 11:17:35
Les portraits nous enseignent à regarder les hommes et les femmes qui nous entourent en nous posant cette question : « Si je devais faire le portrait de cette personne, comment procéderais-je ? »… car c’est bien notre rôle sur cette terre, de nous portraiturer les uns les autres.
Et si ces portraits ne sont visibles que pour un temps trop bref, sachons qu’ainsi va toute chose.
avril 8th, 2010 on 11:34:48
Merci pour ton commentaire, Cochonfucius.
En fait, ce portrait peut être déroutant car il manque une donnée. C’est un auto-portrait cafardeux, écrit par un jour d’hiver sombre, mais qui révèle entre les lignes une image enfouie : celle d’une enfant derrière un carreau de fenêtre, regardant partir sa mère. En l’écrivant, je me suis (un peu) débarassée de ce souvenir…