Échange entre Cochonfucius en bouts rimés, suivant « Deux Ingénieurs » (qui est publié ailleurs sur « mes poèmes »).
J’ai laissé le petit poème qui fut suivi de notre long échange.
I. Deux Ingénieurs
Babylon5 :
Cochon, j’ai fait un rêve
Nous étions trois à table
Mais la soirée fut brève…
Car soudain tu te lèves
Et tout confus, chapeau
Bas, tu fais de la place
A la Muse au front haut
Que nul n’a vue de face
Perdant tous tes moyens,
Tu fais tomber un livre
Écrit en arménien
Sur la folie de vivre.
La Muse s’en amuse
S’apprête à se baisser,
Mais tu t’écries « Oh ! Muse
Allons donc au Musée ! »
Nous verrons des statues,
Aussi des tableaux rares
Avec leurs attributs
Viens avec moi, Curare !
Babylon5 :
Cher ami voyez-vous, je suis dans l’aquarelle
C’est un art, vous savez, qu’on ne peut négliger
Sans risquer de tout rater : bon pour la poubelle.
Heureusement qu’il y a des temps pour sécher.
Maigre sous gras, les couleurs mélanger, surtout
Attendre le bon moment, et, rapidement,
(Sans tirer la langue) , espèce de voyou,
Se dépêcher de peindre sans tremblements.
Mais voilà, je vous quitte : les couleurs sont trop fades,
Vite, un peu de bleu, de l’indigo, gris de Peyne
Préparons les pinceaux, (buvons une rasade)
Vous comprendrez sûrement et n’aurez point de peine.
Cochonfucius :
Si je pouvais voir comme une aquarelle
Le monde présent, n’en rien négliger
Et ne rien jeter dans une poubelle,
Mon cœur cesserait de se dessécher.
Porter un regard bienveillant sur tout,
Ne pas m’attrister trop rapidement,
Glisser dans les rues tel un vieux voyou,
Oublier l’angoisse et les tremblements.
Les jours ont du goût, même s’ils sont fades,
D’être bien vivant, ça c’est de la veine.
Prenons du bon temps à pleines rasades,
Avoir du souci, ce n’est pas la peine
Babylon5 :
Mais ! Oui, Si Dieu peignait des aquarelles :
Cette idée l’on ne doit point négliger.
Il ne faut pas la mettre à la poubelle,
L’œuvre qui n’a pas fini de sécher.
Sans préjugé nous pourrions voir tout.
Ne pas attendre que les bons moments,
Ni dans le malheur traiter Dieu de voyou :
L’artiste n’a qu’un léger tremblement.
Ainsi va la vie : si ce jour est fade,
Demain apportera son lot de peines
Voyons plutôt, sans plus de jérémiades,
Danser les couleurs l’été dans la plaine.
Cochonfucius :
Cochonfucius ne peint pas d’aquarelles,
C’est un détail à ne point négliger.
Il a trouvé (mais dans une poubelle!)
Un fier talent, l’empêchant de sécher
Quand faut écrire ou sur rien ou sur tout.
L’inspiration peut lui prendre un moment,
Le temps de consulter son cœur-voyou.
Dieu dans ce temps ne fait nul tremblement.
Mais il écrit, et ce n’est jamais fade,
Car autrement ça vaudrait point la peine.
Il ne peut pas penser en jérémiades,
à Saint-Denis, juste auprès de La Plaine.
Babylon5 :
Voyons, Cochon, vous êtes vraiment distrait :
Vous vous prenez les pieds dans les poubelles !
Ne vous rappelez-vous point les traits
Du pinceau ? Ô, Maître de l’aquarelle ?
Pour sûr, vous aviez un foutu talent,
Et vos élèves vous laissiez sécher
Sur leur papier, des heures, en ces temps
Qu’aujourd’hui vous désirez négliger…
C’est que sans doute votre âme trop fade
N’a jamais pu récupérer du tout,
Trop occupée en sombres jérémiades
Ou à fréquenter des gourous voyous.
Ouvrez les yeux ! Poète, mais éclectique,
Vous pouvez bien, par la méditation,
Trouver des formules mathématiques
Et de l’atome arrêter la scission.
Cochonfucius :
Dieu fit Cochonfucius, un jour qu’il fut distrait,
Avec des matériaux tirés d’une poubelle:
Et sur le corps d’un homme il eut d’un porc les traits.
(Dieu, parfois ne fait pas vraiment dans la dentelle).
Ayant ainsi montré son manque de talent,
Dieu s’en fut arroser les pays desséchés,
Au passage, noyant des milliers d’habitants,
Qui de prier la veille avaient trop négligé.
Sans ces petits ennuis le monde serait fade.
Seigneur, Mon Créateur, merci vraiment pour tout,
Merci de recueillir mes humbles jérémiades
Et nourrir le roi, le peuple et les voyous.
Verse-nous dès midi de ton pinard mystique,
C’est cela qui nourrit notre méditation;
Apprends-nous aujourd’hui les lois mathématiques
Qui font marcher si bien ta noble Création.
Babylon5 :
Bon, d’accord, on passe à l’Alexandrin !
Babylon5 :
Faire un procès à Dieu, c’est se montrer distrait
Quand on n’a point les traits fins comme une aquarelle…
Certes Cochonfucius n’a pas beaucoup d’attraits,
Mais son ramage fait courir les demoiselles.
Dieu lui-même, jaloux devant tant de talent
Chez un peuple plus pieux s’en est allé bouder,
Négligeant notre monde et tous ses habitants,
Les laissant à leurs guerres, grippes et H.I.V.
Il faut dire que sans Lui le monde est moins fade :
Depuis qu’il n’est plus là, le pinard est partout.
Le citoyen s’abreuve en de longues rasades,
Les filles caracolent au bras de leurs voyous.
Seigneur, pour qui les hommes ne sont que moustiques,
Reste loin si possible de ta Création.
Aux prières préférons les Mathématiques,
La Poésie aussi, pour nos méditations.
Cochonfucius :
Curare est Dieu, mais que je fus distrait
D’avoir point vu son regard d’aquarelle!
Qui, sinon Dieu, aurait eu tant d’attraits,
Ou ma princesse, ou cette demoiselle?
Car mon amour allait vers son talent ;
Je savais pas qu’elle pouvait bouder,
J’aurais voulu être seul habitant
Du pays par elle seule habité.
Sans Curare le monde est fade.
Pour moi son absence est partout.
N’avoir d’elle qu’une rasade,
Referait de moi un voyou.
J’aimerais donc être un moustique,
De son sang avoir nutrition.
Amour mort, quel sujet antique,
Il nous plonge en méditation.
Babylon5 :
Cochonfucius, je dois dire que vous baissez,
Comment une humaine, même aux yeux d’aquarelle,
Par ses attraits perfides a pu vous abuser
Au point de taper des vers bons pour la poubelle ?
Quand en alexandrins votre immense talent
Devrait sans faillir votre public épater,
Voici qu’à ses genoux vous vous traînez, tremblant
Et même l’art de la métrique négligez.
Allons, Cochonfu, cessez donc ces jérémiades !
Croyez-vous qu’une Muse entendra un voyou,
Inapte à maîtriser une simple tocade
Tout comme le héros d’un roman à deux sous ?
Allons, arrêtez ces plaintes autistiques ;
Oubliez dès ce soir cette malédiction :
Sinon le psychiatre, sur sa table électrique,
vous fera oublier jusqu’à votre prénom !
A la Poésie, austère mais toujours belle,
Vous devez sacrifier, sans jamais sourciller :
Car Elle n’admet pas de rivale à son autel
Avec qui le Poète oserait la tromper.
II. Jours de 2010
Cochonfucius :
C’est l’an deux mille et dix, et ça me plaît assez,
Une page se tourne, une course nouvelle
Va prendre son départ. Mon cœur n’est pas usé,
Je ne le mettrai pas encore à la poubelle.
Même n’étant pas sûr d’avoir quelque talent,
J’aime avoir un public et j’aime l’épater,
J’ai un esprit tout neuf depuis le nouvel an,
Plus rien à voir avec ce vieux cœur négligé.
Une année, deux années, trois ans, une olympiade !
Pour ce bout de chemin j’ai assez de cailloux,
Je n’ai plus peur des mots, des amours, des tocades,
Doutes et obsessions enfin se sont dissous.
C’est ici le matin de ma vie artistique,
Recevez mon bonjour et ma bénédiction,
Espérant que vos goûts sont aussi éclectiques
Que les vers fort divers paraissant sous mon nom.
Vive deux mille et dix, cette année sera belle,
Nous allons bien produire et nous allons briller.
Des vers bien réguliers, des proses naturelles,
Et des fables viendront la sagesse habiller.
Babylon5 :
Passent et passent les ans, je n’en ai pas assez :
Tous les jours je voudrais fêter l’année nouvelle.
Nouveau départ, à bord de ce rafiot usé :
Il n’est pas encore assez vieux pour la poubelle.
Confiture exquise aux poètes de talent,
Ce public transi que l’on voudrait épater,
Et sentir frissonner, quel que soit le moment,
Habillé de dentelles, ou même en négligé.
Passez et repassez sous ces vieilles arcades :
Vos mots en chemins ne se sont pas dissous.
N’ayez peur des chevaux qui lancent des ruades,
Faites jaillir l’étincelle sous les cailloux.
Chantons le matin des poètes éclectiques,
Qui font naître des mots d’étonnantes frictions,
Éclairs bleus, soleils, hyperboles artistiques,
Lunes affolées, fleuves dorés sans aucun nom.
Quand bien même cette année ne serait point belle,
L’Univers va produire, pour sûr il va briller.
Faisons exploser la rime sempiternelle,
Pour la Muse exaltée, un soir déshabillée.
Cochonfucius :
Buvons donc un peu trop, plutôt que pas assez,
Tous les jours j’ai de boire une raison nouvelle.
Car picoler avec des prétextes usés
C’est comme se servir au fond de la poubelle.
Boire pour amortir un excès de talent,
Boire pour agrandir, boire pour colmater,
Et sentir la chaleur, quel que soit le moment,
Au fond de l’estomac… Au lieu de négliger
Les si nombreux troquets sous ces vieilles arcades,
Entre donc dans chacun, tu y seras dissous
Au bout de la douzième ou treizième rasade.
Et pour rentrer chez toi, suis les petits cailloux.
Il n’y a pas que le vin, soyons plus éclectiques,
Buvons aussi du thé, de l’eau, des infusions,
Enivrons-nous avec des visions artistiques,
Des sons inopinés, des délires sans nom.
Année après année, les années sont plus belles,
Astres en plus grand nombre au ciel on voit briller.
Cette amélioration sera sempiternelle,
Et nos vers n’ont plus qu’à la prendre et l’habiller.
Babylon5 :
C’est une bonne idée, qu’il nous faudra creuser…
Mais avez-vous goûté les substances nouvelles,
Champignons, poudres, qui si vous abusez
Peuvent vous mener à tomber à la poubelle ?
Fumez-vous, pour calmer votre excès de talent ?
Sniffez-vous pour grandir, ou bien pour colmater
Cette carcasse usée, pouvant fuir à tout moment,
Par tous ses bouts et bords, si vous la négligez ?
Mais je vous donne raison, Poète mystique :
Buvez, fumez, sniffez, que vos oraisons
Enivrent vos amis de visions poétiques,
Loin des chagrins fanés, en gaies méditations.
De Janvier à Janvier la poésie attelle
Ceux qui regardent au ciel tous ses astres briller.
Mais ce n’est point le vin qui les rend éternels
Ces petits enfants commençant à babiller.
Quand les matins sont gris il faut recommencer :
Par tous les chemins jeter toujours nos cailloux,
Nous enivrant de vin, d’amour ou de gaité
Car Dieu nous a créé pour être des voyous.
Cochonfucius :
J’aime avoir des idées, je n’aime pas creuser…
L’idée a mille feux dès lors qu’elle est nouvelle:
On peut avec plaisir s’en laisser abuser.
Quand elle a trop vécu, nul ne se soucie d’elle,
Elle ne laisse rien, ou presque, en s’en allant.
La bulle de savon, comment la colmater ?
La fille d’un instant peut fuir à tout moment,
Alors, dans les débuts, faut pas la négliger.
Ce qui vient disparaît, c’est l’énigme mystique.
Cela ne revient pas avec une oraison
Ni des lamentations (même fort poétiques).
Fais-en, si tu le veux, thème à méditation.
De janvier à janvier les décès s’amoncellent
Et plusieurs jours par an voient nos larmes briller.
Mais nous le savions bien, que nul n’est éternel,
Et qu’un jour, de sapin nous serons habillés.
Mais la vie après nous pourra recommencer:
La Terre est dans l’espace un merveilleux caillou,
Sur lequel on entend les chants pleins de gaîté
Des peintres, des errants, des poètes, des fous.
Babylon5 :
Avoir beaucoup d’idées peut gêner pour creuser ;
De l’une à l’autre on passe, charmé par la nouvelle.
Comme un gamin gâté on peut en abuser
Et ne plus savoir refroidir notre cervelle.
L’être ainsi consumé est pris de tremblements,
Il est paralysé, et ne peut colmater
L’excès d’activité qui le prend nuitamment
Dès qu’il voit une fille ou un astre briller.
C’est ainsi que certains, pris de ferveurs mystiques,
Se pâment dans la rue sans aucune raison
Proférant à tout vent des visions prophétiques
Qui poussent le gendarme à la méditation.
Il est vrai cependant que rien n’est éternel.
Il convient d’avancer avec circonspection,
Ne point trop s’arrêter sur une image belle
Apprendre à butiner ainsi qu’un papillon.
Pourtant savoir pleurer sur la mort d’une rose,
Pour notre frère humain être pris d’empathie,
Refuser tous les jours un destin trop morose
C’est le lot de l’artiste et le sel de sa vie.
“Le prince n’écrivit jamais à la rose.”*
(* NDLR: Allusion à un titre de poème de Conchonfucius)
Cochonfucius :
Si j’étais un vieux moine, occupé à creuser
Ma tombe en prévision de ma mort éternelle,
Je songerais au vin dont j’ai tant abusé
Et aux livres dont j’ai surchargé ma cervelle.
Si j’étais un vieux moine atteint de tremblements,
Bientôt paralysé, ne pouvant colmater
Le désir insensé qui le prend nuitamment
Quand d’invisibles yeux sur son cœur ont brillé,
Alors je chercherais dans les textes mystiques
Le moyen pour mon cœur de reprendre raison.
Mais je n’y trouverais que des voix prophétiques
Dont l’écho ferait ombre à ma méditation.
L’homme est impermanent, le monde est éternel.
Presque rien n’est connu par une introspection,
Et lorsque nous portons un verdict solennel,
Nous laissons trop parler ignorance et passion.
Si responsable fut le prince de sa rose,
Pourquoi la plongea-t-il dans la mélancolie ?
Il ne lui écrivit, ni en vers, ni en prose,
Pas même au dernier jour, quand il perdit la vie.
Babylon5 :
Peut-être l’alchimiste, sur son creuset penché,
Est assez fou pour chercher la vie éternelle.
Il n’use pas de vin, ni n’est désabusé
Par ses expériences ratées qui s’amoncèlent.
Mais je sais que mon corps, atteint de tremblements,
Bientôt vieux et fané, ne pourra colmater
Les dégâts infligés au passage des ans
Quand bien même mes yeux d’amour sauront briller.
Je n’irai point chercher dans les textes mystiques
L’espoir d’éternité ni la consolation
De voir s’éteindre même les voix prophétiques,
Ni chercher le néant dans la méditation.
L’univers est étonnant -est-il éternel ?
Nous n’en savons rien, le jaugeant avec passion.
Si vous voulons croire à la science universelle,
C’est pour la voir raison donner à nos fictions.
Le monde des mots est une bien autre affaire :
Dès lors que l’on admire l’imagination
L’artiste est le seul créateur que je vénère,
Il ne se mesure pas avec la raison.
Oui, responsable fut le prince de sa rose
Et je tiens pour vrai ce que le poète dit.
La vérité n’existe qu’en vers ou en prose :
C’est juste par les mots que nous pensons la vie
Cochonfucius :
Depuis que l’homme écrit, ce fut pour s’épancher.
Ceux qui croient que leur prose a valeur éternelle
Par la réalité seront désabusés.
Ceux qui trop patiemment leurs textes amoncellent
Ceux qui vont récitant avec un tremblement
Dans leur voix de poète, auront à colmater
Les multiples hiatus de leurs écrits pesants.
Écrit-on pour séduire? Écrit-on pour briller ?
Je voudrais composer un grand texte mystique.
Je voudrais croire au rire, à la consolation,
Je voudrais devenir un vieillard prophétique.
Mais je suis pas bien doué pour la méditation.
Cette douleur d’écrire est sans doute éternelle,
Rien n’y fait le labeur, rien n’y fait la passion.
Mais nous créons ainsi la langue universelle
Qui dit tout le réel et toutes les fictions.
C’est la langue des fous, pas des hommes d’affaires.
C’est la folle chanson de l’imagination
C’est Alice explorant le monde sous la terre,
C’est l’aventure ayant aboli la raison.
Et peut-être que, mort, le Petit Prince arrose
La fleur que de revoir il eut soudain envie.
Ou alors, il lui lit des vers et de la prose
Pour montrer que vraiment, il est encore en vie.
Babylon5 :
Un livre jamais clos, où se sont épanchés
Tant d’êtres. Tant de pages noircies où s’amoncèlent
Paroles de sagesse ou propos désabusés…
Les écrits dans leur tout ont valeur éternelle.
Certains livres ne s’ouvrent pas sans tremblements,
Alors que d’autres ne servent qu’à colmater
Des vides sur l’étagère, car ils sont pesants.
Sur le mur du salon ils vont un peu briller.
Je n’ai pas de penchant pour les textes mystiques.
Ils ne me font point rire, s’ils sont consolation
Pour ceux qui veulent croire à ces voix prophétiques
Et trouvent le repos dans la méditation.
Seuls les mots, ces cailloux, sont peut-être éternels,
Et leur rumeur aussi, qui dit avec passion
Le bonheur, le malheur, l’espoir sempiternel
Qui roule et roule encor dans nos belles fictions.
Les hommes sont bien fous, vacant à leurs affaires
Ou se berçant de folles imaginations.
Mais qui d’abord les a jetés sur cette terre,
Et quand finira cette course sans raison ?
Je préfère penser au Prince et à sa Rose ;
Ne plus rien faire d’autre, et céder à l’envie
De me taire ou d’écrire en vers ou bien en prose
Ou écouter les voix qui chantent dans la nuit.
Cochonfucius :
Un ange cette nuit sur mon lit s’est penché,
Son souffle a rafraîchi mon vieux front qui ruisselle.
Par les mots de cet ange, un instant abusé,
Je goûtais d’un jardin la douceur éternelle.
Ce jardin fut celui des tous premiers amants,
Ève et le père Adam qui ne surent mater
Le serpent, éveilleur de leur mauvais penchant ;
Et de ce jour leurs yeux n’ont cessé de briller.
En rêve je revis ce grand jardin mystique.
Ève et Adam, voici votre consolation :
On rencontre aujourd’hui des anges prophétiques
Qui portent au jardin notre méditation.
Les rêves, cependant, ne sont pas éternels,
Pas même ceux qui sont livrés à nos passions.
Mais merci pour ce peu, Seigneur, Dieu paternel,
Toi qui pour moi n’es rien qu’un rêve, une fiction.
J’ai fini de dormir, je vais à mes affaires,
J’évite d’exciter mon imagination.
On peut vivre peinard sur cette vieille Terre,
Manger et travailler et garder sa raison.
Je ne suis pas un prince, et elle n’est pas rose ;
Mais nous nous parlerons, si ça nous fait envie,
Dans le jardin d’Éden qu’un ruisselet arrose,
Où l’ange nous transporte en rêve chaque nuit.
Babylon5 :
Dans mon rêve à moi, je jouais à la marelle
Avec un vieux savant un peu désabusé
Qui parlait d’un jardin où sans cesse ruissèlent
Des courants d’eau claire sous des roseaux penchés.
Il disait avoir vu un soir en s’endormant
Le jardin merveilleux, où Ève il pu mater
Tandis qu’elle écoutait, ravie l’ancien serpent
Et mordait dans le fruit interdit à Adam.
Il vit tout se produire en ce jardin mystique :
Des deux amants la première fornication,
Et de même entendit un grand cri prophétique
Vouant Adam et Ève à la malédiction.
C’est depuis ce soir-là qu’il jette ses cailloux
Sur les cases marquant la voie du Paradis.
Il maudit tous les jours le serpent, ce voyou,
Mais pour la bagatelle, la bête il remercie.
Nous le savons tous deux : cela n’est que fiction,
Mais nous nous amusons chaque jour à ce jeu :
Jeunes et vieux y jouent toujours avec passion
Sous les yeux fort gênés de leurs différents dieux.
De mon rêve éveillée, je vaque à mes affaires.
J’arrose mon jardin, sans imagination,
Surtout les roses, le soir, quand trop sèche est la terre :
Mon jardin n’est point au ciel et n’est point fiction.
Cochonfucius :
Ce forum, il ressemble à un jeu de marelle
Dans une cour d’école où le sol est usé,
Et les murs de la cour portent des aquarelles.
Attentifs les joueurs, sur le parcours penchés.
Plus tard leur reviendra, au lit, en s’endormant,
Cet endroit merveilleux où rien ne sut compter
Que la facile piste où, malgré le serpent,
La voie du paradis est bonne pour Adam.
Jamais rien n’avait lieu en cet endroit mystique.
Pas de meurtre, de vol, ni de fornication,
Cet endroit est pourtant hautement prophétique
Des grands bonheurs des gens et des malédictions.
Car nos désirs ne sont guère que des cailloux
Valant moins qu’un centime et bien moins qu’un radis.
On fait feu de tout bois quand on est un voyou,
On veut que la donzelle à tout coup remercie.
Un amour partagé n’est pas de la fiction,
Ce n’est pas une arnaque et ce n’est pas un jeu.
C’est la vie, c’est la mort, et c’est notre passion
Sous les yeux fort pensifs des tristes envieux.
Ce qui compte vraiment, bien sûr, c’est les affaires.
Il faut leur consacrer notre imagination,
Gardons, si nous pouvons, un peu les pieds sur terre ;
Trop d’amour peut conduire à la désolation.
Babylon5 :
Mais quand le soir vient comme une douce aquarelle
Colorer les vieux murs et les volets usés,
Les enfants s’en vont en courant dans les ruelles
Ou par les avenues aux grands arbres penchés.
Parfois dans mon lit je repense en m’endormant
A ce temps merveilleux où tout pouvait compter :
Un caillou, une plume, sous mon regard d’enfant
Pour jouer aux Indiens ou pour collectionner.
Ce forum a parfois cette valeur mystique :
On y vient bien souvent, dans ce monde fiction.
Nous prenons aux sérieux les phrases prophétiques
Et nous nous consolons de nos malédictions.
On peut s’y lancer des mots comme des cailloux
En gamins effrontés se voulant impunis ;
Nous moquer du prochain en vulgaires voyous
Ou réconforter l’autre par quelque mot gentil.
Ce n’est qu’une marelle où nous nous retrouvons,
Oubliant pour un temps que tout n’est pas un jeu,
Tel l’amour partagé, la vie et ses passions :
L’arnaque est interdite quand on vit à deux.
Car adultes nous sommes, il n’y a rien à faire ;
S’il est vrai que l’on peut, en imagination,
Jouer à la marelle, Paradis et Enfer,
Échapper au réel, à sa désolation.
Discussion(s) publiée(s) d’abord (fin décembre 2009/début janvier 2010) sur Forum Métaphysique :
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