Certain jour un fou d’informatique
Qui ne connaissait ni nuit ni jour
Fut soudain pris d’un violent amour
Pour une belle aux charmes phtysiques.
Il l’avait rencontrée sur le Net
Au hazard d’un « chat » sur les astuces
Pour se débarasser des virus,
Des troyens et des cookies pas nets.
La belle était malade, pour sur !
Cela se voyait rien qu’à ses mots.
Il les attendait comme un cadeau :
Ils illuminaient sa chambre obscure.
Elle était brune c’était certain.
Elle avait aussi de grands yeux noirs
Et, toussant tendrement tous les soirs,
Elle envoyait pour lui des quatrains.
L’informaticien épris de puces
Ne parlait qu’en zéros et en uns.
Parfois il s’adressait à son chien,
Qui des puces en avait beaucoup plus.
Comment faire quand on est un geek
Né avec un clavier sous la main ;
Un coeur de silice à peine humain
Enamouré d’une fleur phtysique ?
La vie du geek devint bien tragique :
Essayant d’écrire des mots doux
Le pauvre en vint à oublier tout,
Perdu dans des rêveries poétiques.
La belle écrivait de longs poèmes
Sur la vie, l’amour, l’éternité,
Les aventures d’un chevalier
Epris d’une princesse au teint blême.
Zéro-un, un-zéro, traduisait la machine…
Mais comment une passion virtuelle
Peut ainsi bousculer le réel
Pour une belle habitant la Chine,
L’Autriche, le Maroc ou Bangcock ?
Pendant qu’elle toussait, il pensa :
« Si j’envoyais cette photo-là ?
J’y suis pas mal, et fier comme un coq »
Alors vint le mathématicien
Son ami fou, mais d’inadéquations,
Logarithmes, chiffres et fonctions.
« Dis-donc », fit-il « Tu as l’air d’un chien
Tu devrais aller un peu à l’air.
Sont-ce tes puces qui te tracassent ?
Tu ferais mieux de descendre en face,
Dans ce bistrot de bonne atmosphère.
L’autre, pour l’heure, se laissa faire
Et bras sous bras les voilà partis
Pour le bistrot louche de Lily,
Où certains allaient à leur affaire.
A peine entré le geek se pâma,
Pris de vertiges et tremblements.
Il tomba sur le sol, inconscient,
Au pied de sa brune à l’œil las.
— Babylon5