2. Poèmes de mes Amis

Grondements

Tout autour de mon lit, j’entends bruire à présent
Le peuple des démons s’ébattant dans la nue.
Clarté de leur phosphore ou d’un corps plus luisant,
Stabilité du monde à leurs griffes tenue.

Au jardin caillouteux ne vient aucun printemps,
Pas un oiseau chanteur n’offre sa voix charmante,
Nulle touche de vert depuis assez longtemps,
Que des petits démons, folle troupe dansante.

Au son des grondements menaçants, guère n’a
De repos le dormeur contemplant cette image.
Le soleil n’est pas rouge, il est plutôt grenat,
Il semble se montrer du fond d’un marécage.

Des cent démons hurlants il entend les appels
Et les malédictions que ce soir ils chantèrent
Dans un psaume effrayant où leur maître immortel
Prononce le déclin et la fin de la Terre.

— Cochonfucius

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Prince Lucifer (George Meredith et ma traduction)

On a starred night Prince Lucifer uprose.
Tired of his dark dominion swung the fiend
Above the rolling ball in cloud part screened,
Where sinners hugged their spectre of repose.

Dans la nuit étoilée s’éleva Lucifer,
Las de son noir royaume il monta, l’Ennemi,
Haut, loin du monde rond, nuageux à demi
Où se croient à l’abri les promis à l’enfer.

Poor prey to his hot fit of pride were those.
And now upon his western wing he leaned,
Now his huge bulk o’er Afric’s sands careened,
Now the black planet shadowed Arctic snows.

Menu fretin que nous pour lui, alors si fier ;
Tantôt sur son aile Ouest il s’était affermi,
Près du sable africain, puis son ombre parmi
Les neiges de l’Arctique assombrissait les airs.

Soaring through wider zones that pricked his scars
With memory of the old revolt from Awe,
He reached a middle height, and at the stars,

Montant aux plus hauts cieux, la cuisante mémoire
Lui revint de son cri contre le Roi de Gloire,
A mi-parcours, il voit les étoiles au ciel

Which are the brain of heaven, he looked, and sank.
Around the ancient track marched, rank on rank,
The army of unalterable law.

Formant l’Esprit de Dieu. Les voyant, il s’écroule.
Bien en ordre, et au pas, au vieux chemin s’écoulent
Les sections de l’armée du pouvoir éternel.

— Cochonfucius

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« By this he knew » (George Meredith et ma traduction)

By this he knew she wept with waking eyes:
That, at his hand’s light quiver by her head,
The strange low sobs that shook their common bed
Were called into her with a sharp surprise,

Alors il sait : sans dormir, elle pleure ;
Quand d’une main son visage en sursaut
Est effleuré, prennent fin les sanglots
Qui murmuraient dans le lit tout à l’heure ;

And strangled mute, like little gaping snakes,
Dreadfully venomous to him. She lay
Stone-still, and the long darkness flowed away
With muffled pulses. Then, as midnight makes

Tels des serpents, on les étrangle, ils meurent,
Serpents mortels pour l’auteur de ces mots.
Toute immobile, elle écoute le flot
Dont deux cœurs sourds à minuit savent l’heure

Her giant heart of memory and tears
Drink the pale drug of silence, and so beat
Sleep’s heavy measure, they from head to feet
Were moveless, looking through their dead black years

Du grand milieu de mémoire et de larmes
Buvant le gris et sourd poison qui bat
Lourde mesure au sommeil sans ébats
Contemplateur d’années mortes, sans charme.

By vain regret scrawled over the blank wall.
Like sculptured effigies they might be seen
Upon their marriage-tomb, the sword between;
Each wishing for the sword that severs all.

Un vain regret qui ces deux cœurs désarme
Les fixe au mur, où ils semblent des bas-
Reliefs, gisants qui ne se touchent pas :
Épée entre eux, mais, mourir de cette arme ?

— Cochonfucius

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Antipsaume 23 (hommage à Clément Marot)

Dieu ne va plus la tête haute,
Car il se sent un peu en faute.
Il se souvient que des herbages,
Avant Adam, et des rivages,
Avant cette invasion humaine,
La vie était bien plus sereine.

S’il avait su qu’on en viendrait
A ce gâchis, jamais n’aurait
Fait vivre l’homme, pas une heure.
A présent Dieu s’inquiète, il pleure
Car il lui devient nécessaire
D’être pour l’homme un adversaire.

Ah, cette affaire n’est pas bonne,
Adam, quel souci tu me donnes !
Quelle nature est donc la tienne ?
Ne sais à quoi les choses tiennent,
Tu as trahi mon espérance,
Et je n’ai de toi que souffrance.

— Cochonfucius

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Marcher sur l’eau

J’aime marcher sur l’eau quand elle fait des vagues,
Grimper sur un nuage et y rester dormir,
Caresser le soleil et l’écouter frémir,
Trinquer avec la lune et entendre ses blagues.

Certains jours l’eau est plate, on y marche quand même.
Aucun nuage au ciel, on s’endort dans l’azur.
Nul soleil n’étant là, je touche un ciel obscur.
Si la lune est absente, il reste ce poème.

— Cochonfucius

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Un souvenir

La poésie jamais ne peut servir de loi,
Les mots que j’ai tressés pour toi, nouvelle amante,
Ne pouvaient pas éteindre au plus profond de moi
La passion de trente ans toujours vive et présente.

Si tu lis mes aveux, d’abord écrits pour toi,
Si tu lis mes aveux de faiblesse navrante,
J’avoue que dans mon coeur je n’avais pas de quoi
Transformer nos amours en des amours vivantes.

J’ai vibré à ta voix et à tes écritures,
J’ai souri de t’entendre et pleuré aux ruptures,
Ma première passion, je ne peux la quitter.

Oui, l’amour était là, pauvre amour impossible,
Et sa douceur nous fut à tous les deux sensible,
Tu m’as donné bien plus que je n’ai mérité.

— Cochonfucius

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Pandore

Pandore, ouvrant la boîte, a déchaîné les maux.
Seule, ne sortant pas, nous resta l’Espérance ;
Mais nous ne savons pas expliquer sa présence
Au milieu des fléaux. On nous dit que ce mot,

« Espérance », est mal dit, qu’il faut penser plutôt
A une vaine attente, à la folle puissance
De l’imagination qui fait que lorsqu’on pense
Au mal qui va venir, on en souffre trop tôt.

Moi je sais que l’amour est surtout un espoir,
Que loin dans l’avenir on ne peut jamais voir,
Que dans le désespoir nous espérons encore.

Et si nous revenions à ce temps d’autrefois
Pour vivre cette histoire une nouvelle fois,
Alors je rouvrirais la boîte de Pandore.

— Cochonfucius

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J’étais dans la torpeur

J’étais dans la torpeur profonde,
Comme une tortue en hiver,
Et tes paroles vagabondes
Ont nourri ma prose et mes vers.

Notre relation flamboyante
A réchauffé nos deux esprits,
Et jamais muse plus charmante
Sur ce terrain ne m’entreprit.

J’irai sur les vertes collines,
J’entendrai les oiseaux des airs.
Ton souvenir tendre illumine
Dorénavant mon univers.

Je retrouverai le silence.
Même seul je serai content,
Rien que pour la ressouvenance
D’un de tes rires éclatants.

— Cochonfucius

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L’obélisque

 

Le petit chaperon rouge
En allant vers la forêt
N’a pas vu l’herbe qui bouge,
Autrement s’en méfierait.

Ce n’est pas une herbe mince,
Mais c’est le fameux serpent
Qui tua le petit prince,
Et qui te tue maintenant.

Et voilà que ton fantôme
Se fait manger par le loup
Et lui provoque un syndrôme
De l’estomac plein de clous.

Le loup file jusqu’en Chine
Consulter un fameux psy
Qui tourne les pages fines
D’un répertoire moisi.

Vieux loup, vous allez vous rendre
Chez un docteur du Japon,
Car il pourra vous apprendre
A vous ouvrir le bedon.

Le loup s’ouvre la bedaine
Et voilà qu’il meurt aussi.
Il s’en revient l’âme en peine
Dans le bureau du vieux psy.

Alors celui-ci explique
A un grand druide gaulois :
Faut de la potion magique
Mais pas beaucoup, juste un doigt.

Le druide a dans sa recette
Un ingrédient mal dosé,
Et le loup, la pauvre bête
En est métamorphosé :

En obélisque il se change,
Tout recouvert d’inscriptions…
Dieu, que son sort est étrange,
Lourde sa malédiction.

Les gens de la capitale
Sur une place l’ont mis;
De son histoire brutale
Jamais rien ils n’ont admis.

Selon leur dire illusoire,
D’Egypte il fut apporté.
Je réponds que mon histoire
Est la seule vérité.

— Cochonfucius

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Diogène

 

Diogène de sa lampe éclairait en plein jour
Les citoyens surpris de ce coup de folie.
« Quelle illumination est donc la tienne, pour
Que de nuit et jour soit différence abolie ? »

Ma nature est bouddhique, a répondu le maître,
Je suis illuminé dans tout mon intérieur,
Votre esprit est obscur, si je puis me permettre,
Et vous vous complaisez dans un sort inférieur.

Quand je serai très vieux, j’écouterai les femmes,
Et je les écoutais quand j’étais un marmot.
Je ne connais que trop la douceur de leur âme ;
Et que leur coeur peut fondre à la chaleur d’un mot.

Le serpent, comme moi, n’est pas trop féministe.
Je ne suis, comme lui, un manipulateur,
Je sais que trop aimer une femme rend triste,
Et qu’aucun bien ne vient à un admirateur.

(C’est Diogène qui parle, et pas Cochonfucius.
Diogène se servait plutôt de sa main gauche
Que d’un corps féminin pour polir son phallus,
Car cela lui semblait une moindre débauche.

Je ne prends pas toujours Diogène pour mentor,
J’aime que mes leçons me viennent d’une muse ;
Et sans aller jusqu’à Diogène donner tort,
Je diffère de lui quand de mon sexe j’use.)

— Cochonfucius

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Troisième art poétique

Heureux qui peut reprendre une oeuvre très ancienne
Et lui faire porter un contenu nouveau,
Cherchant à faire mieux que de nombreux rivaux
Ou bien laisser chanter la voix qui est la sienne…

La forme nous inspire et les contenus viennent
(Et c’est surtout par eux que le poème vaut).
On peut passer des jours à ces plaisants travaux
Qui nous font découvrir à quoi nos pensées tiennent.

Un coup de nostalgie, la sagesse de l’huître,
Le bonheur sans argent, l’escargot sur la vitre…
Innombrables pour nous foisonnent les motifs.

Le sujet est présent, prenons garde à la forme,
Mais cela ne va pas être un effort énorme:
Quand le plaisir s’y joint, l’effort est productif.

— Cochonfucius


Victor (WH Auden et ma traduction)

Victor was a little baby,
Into this world he came;
His father took him on his knee and said:
‘Don’t dishonour the family name.’

Bébé Victor naquit, se trouva parmi nous,
Un jour son paternel le prit sur ses genoux
En lui disant, aussi sérieux qu’on puisse l’être,
‘Tu ne saliras pas le nom de tes ancêtres’.

Victor looked up at his father
Looked up with big round eyes:
His father said; ‘Victor, my only son,
Don’t you ever ever tell lies.’

Victor, levant les yeux vers son auguste père,
Les a ouverts tout grands, en muette prière,
Le père poursuivit : ‘Victor, toi, mon seul fils,
Je voudrais que jamais, jamais tu ne mentisses.

Victor and his father went riding
Out in a little dog-cart;
His father took a Bible from his pocket and read:
‘Blessed are the pure in heart

Victor, en voiture légère,
Ecoute la voix de son père
Disant ces mots de l’Ecriture :
‘Heureux ceux qui ont le coeur pur’.

It was a frosty December,
It wasn’t the season for fruits;
His father fell dead of heart disease
While lacing up his boots.

En décembre et dans la froidure
Que n’est aucune chose mûre,
Le coeur du père eut un arrêt
Quand il attachait ses lacets.

It was a frosty December
When into the grave he sank;
His uncle found Victor a post as cashier
In the Midland Counties Bank.

En décembre, en un froid polaire,
On l’a conduit au cimetière ;
Un oncle alors a gratifié
Victor d’un emploi de caissier.

It was a frosty December
Victor was only eighteen,
But his figures were neat and his margins straight
And his cuffs were always clean.

En décembre où gèle la plaine,
Il avait dix-huit ans à peine,
Mais il écrivait proprement
Et soignait bien ses vêtements.

He took a room at the Peveril,
A respectable boarding-house;
And Time watched Victor day after day
As a cat will with a mouse.

Il prit un logis confortable
Dans un endroit bien respectable ;
Mais le Temps mit un oeil sur lui
Comme un chat sur une souris.

The clerks slapped Victor on the shoulder;
« Have you ever had a woman? » they said,
« Come down town with us on Saturday night ».
Victor smiled and shook his head.

Ses collègues, de joyeux drilles,
Ont voulu le mener aux filles,
Samedi soir, pour s’amuser;
Il a poliment refusé.

The manager sat in his office,
Smoked a Corona cigar;
Said: « Victor’s a decent fellow but
He’s too mousey to go far ».

Le directeur dans son bureau
Fumait un cigare, et un gros.
« Victor, dit-il, il est bien brave
Mais sa timidité l’entrave ».

Victor went up to his bedroom,
Set the alarm bell;
Climbed into his bed, took his Bible and read
Of what happened to Jezebel.

Victor dans sa chambre est monté,
Son réveil il a remonté,
Au lit a relu dans sa Bible
De Jézabel la fin horrible.

It was the First of April,
Anna to the Peveril came;
Her eyes, her lips, her breasts, her hips
And her smile set men aflame.

Ce fut d’avril le premier jour,
Survint Anne, son bel amour,
Et tous les gars du voisinage
Ont pris feu pour ce beau visage.

It was the Second of April,
She was wearing a coat of fur;
Victor met her upon the stairs
And he fell in love with her.

Le deux avril, d’une fourrure
La belle avait fait sa parure.
Victor en montant l’escalier
D’amour fut pieds et poings lié.

The first time he made his proposal,
She laughed, said: « I’ll never wed »:
The second time there was a pause;
Then she smiled and shook her head.

D’abord quand il fit ses avances,
Elle les crut sans importance.
Et puis il a persévéré,
Elle a souri d’un air gêné.

Anna looked into her mirror,
Pouted and gave a frown;
Said: « Victor’s as dull as a wet afternoon
But I’ve got the settle down. »

Anne se voyant dans la glace
Se dit avec une grimace :
« Barbant comme pluie, ce Victor,
Mais je me résigne à mon sort ».

The third time he made his proposal,
As they walked by the Reservoir,
She gave him a kiss like a blow on the head,
Said, « You are my heart’s desire. »

Quand ensemble ils se promenèrent,
Il fit sa demande dernière,
Elle l’assomma d’un baiser
Disant « Oui, tu dois m’épouser ».

They were married early in August,
She said: « Kiss me, you funny boy »;
Victor took her in his arms and said:
« O my Helen of Troy. »

Début août ce fut leur union,
Elle a dit « Bisou, mon mignon » ;
Dans ses bras il a pris sa reine
Et la nomme Hélène troyenne.

It was the middle of September,
Victor came to the office one day;
He was wearing a flower in his buttonhole,
He was late but he was gay.

Vers la mi-septembre suivante,
Au travail Victor se présente
A sa boutonnière une fleur,
En retard, mais de bonne humeur.

The clerks were talking of Anna,
The door was just ajar:
One said: « Poor old Victor, but where ignorance
Is bliss, etcetera. »

Sur sa femme il voit qu’on disserte
Auprès de la porte entr’ouverte :
« Ce vieux Victor est le dernier,
Déclarent-ils, à s’en méfier ».

Victor stood still as a statue,
The door was just ajar;
One said: « God, what fun I had with her
In that Baby Austin car. »

Victor, immobile, en alerte
Auprès de la porte entr’ouverte
Entend un gars dire comment
En voiture être un bon amant.

Victor walked out into the High Street,
He walked to the edge of the town;
He came to the allotments and the rubbish heap;
And his tears came tumbling down.

Victor suit la rue du village,
Puis il se perd dans ses parages ;
Parvient aux sinistres faubourgs,
Pleurant à grands flots son amour.

Victor looked up at the sunset
As he stood there all alone;
Cried: « Are you in Heaven, Father? »,
But the sky said « Address not known. »

Victor, faisant face au couchant,
Tout esseulé, va demandant :
« Mon père, êtes-vous dans la nue ? »
Le ciel dit « Adresse inconnue ».

Victor looked up at the mountain,
The mountains all covered with snow;
Cried: « Are you pleased with me, Father? »
And the answer came back, « No ».

Victor regarde les sommets
Que la neige orne d’un plumet :
« Père, ai-je agi à votre guise ? »
« Aucunement », répond la bise.

Victor came to the forest,
Cried: « Father, will she ever be true? »
And the oaks and the beeches shook their heads
And they answered: « Not to you. »

Victor arrive dans les bois :
« Père, reviendra-t-elle à moi ? »
Hêtres et chênes, de leur front
Ont tremblé pour lui dire « Non ».

Victor came to the meadow
Where the wind went sweeping by:
Cried: « O Father, I lover her so, »
But the wind said: « She must die ».

Victor arrive au pâturage
Où le vent produit son ramage :
« Père, mon amour fut si grand. »
« Elle mourra », lui dit le vent.

Victor came to the river
Running so deep and so still:
Crying: « O Father, what shall I do? »
And the river answered: « Kill ».

Victor arrive à la rivière
A l’eau si profonde et si claire :
« Père, ne sais ce que je dois. »
« Tue-la », lui dit le ruisseau froid.

Anna was sitting at table,
Drawing cards from a pack;
Anna was sitting at table,
Waiting for her husband to come back.

Anne à une table est assise,
D’un jeu les cartes elle a prises,
Anne à une table se tient,
« Mon mari est là qui revient ».

It wasn’t the Jack of Diamonds
Nor the Joker she drew at first;
It wasn’t the King or the Queen of Hearts
But the Ace of Spades reversed.

Point n’a pris Valet de Carreau
Ni l’Excuse de son tarot,
Ni Roi fou ni Dame perverse,
Mais l’As de pique à la renverse.

Victor stood in the doorway,
He didn’t utter a word:
She said: « What’s the matter, darling? »
He behaved as if he hadn’t heard.

Victor se tenait à la porte,
Il n’a dit mot d’aucune sorte.
« Qu’avez-vous donc, mon cher époux ? »
Il n’a parlé ni peu ni prou.

There was a voice in his left ear,
There was a voice in his right,
There was a voice at the base of his skull
Saying: « She must die tonight. »

A sa gauche une voix l’exhorte,
A sa droite une autre voix forte,
La voix troisième en son cerveau
Disant « Envoie-la au tombeau ».

Victor picked up a carving-knife,
His features were set and drawn,
Said: « Anna, it would have been better for you
If you had not been born. »

Victor prend le couteau à viande,
Ses traits se figent et se tendent,
« Anne, il eût mieux valu pour vous
Ne jamais venir parmi nous ».

Anna jumped up from the table,
Anna started to scream,
But Victor came slowly after her,
Like a horror in a dream.

Très vite elle a quitté la table
En poussant un cri pitoyable,
Mais lentement la suit Victor,
Comme un cauchemar quand on dort.

She dodged behind the sofa,
She tore down a curtain rod.
But Victor came slowly after her,
Said « Prepare to meet Thy God. »

Derrière un divan se cachant,
D’une tringle à rideau s’armant,
Ne peut fuir Victor qui la cite
Devant Dieu à être traduite.

She managed to wrench the door open,
She ran and she didn’t stop.
But Victor followed her up the stairs
And he caught her at the top.

La porte elle ouvre avec violence,
En une course elle se lance,
Victor montant les escaliers
La rejoint au dernier palier.

He stood there above the body,
He stood there holding the knife;
And the blood ran down the stairs and sang:
« I am the Resurrection and the Life. »

Le couteau au-dessus du corps,
Il entendait chanter bien fort
Le sang : « Je suis, marches rougies,
La résurrection et la vie ».

They tapped Victor on the shoulder,
They took him away in a van;
He sat as quiet as a lump of moss
Saying: « I am the Son of Man. »

Sur l’épaule on lui mit la main,
L’hôpital au bout du chemin,
Lui, tranquille comme Baptiste,
Dit « Je suis Fils de l’Homme et Christ ».

Victor sat in a corner
Making a woman of clay,
Saying: « I am Alpha and Omega, I shall come
To judge the earth one day. »

Victor a pétri une femme
En argile, et ensuite il clame :
« Je suis l’Alpha et l’Oméga,
Celui qui tous vous jugera ».


— Cochonfucius


1978

Celle qui m’a changé de vie,
Je veux rester dans son regard,
Car ma vie d’errance est finie,
De solitude et de départs.
Notre jardin connaît nos coeurs,
C’est le but de nos seuls voyages,
C’est un ciel ouvert au vogueur
Quand l’amour fait rage.

Mon âme qui était flétrie
Et qui semblait d’un vieux routard
Ne s’endort plus dans les prairies,
Dans les temples, ni dans les bars ;
Bien sûr, j’ai cultivé des fleurs…
Mais j’aime mieux nos jardinages
De grands câlins et de bonheur
Quand l’amour fait rage.

Nous sommes deux anges qui prient,
Non pas au ciel, mais au plumard.
Nous sommes deux gamins qui rient,
Arrivant à l’école en r’tard…
Et plus rien ne nous fera peur :
J’ai mon courage et ton courage
Et ceux de tous les autres coeurs
Où l’amour fait rage.

Princesse, un pauvre chercheur
Maladroit de son langage
Te doit ce mot de valeur :
Que l’amour peut être rage.

— Cochonfucius

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Vagabondages

Mes souvenirs d’été : souvenirs de voyages,
Lorsque j’étais bien jeune, étudiant et sportif.
La route et le soleil, et mon vélo rétif
Ont gravé dans mon coeur ces vieux vagabondages.

Pédalant, essoufflé, sous le ciel sans nuages,
Sans pouvoir espérer le moindre apéritif
Sinon l’eau d’un ruisseau, sous les arbres, furtif
Et apaisant, discret, assez loin des villages.

Les courtes nuits d’été à dormir sous la toile
Après avoir longtemps admiré les étoiles :
Quel merveilleux sommeil, aux rêves miroitants…

Du début de l’été à la fin, solitaire,
Je n’étais amoureux que de toute la Terre,
Des horizons lointains et puis de l’air du temps.

— Cochonfucius

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Une huître (en hommage à Joachim du Bellay)

Heureux qui, comme une huître, oncques ne fait voyage,
Et n’a plume sur soi, pelage ni toison,
Et n’ayant de cerveau est pleine de raison
Qu’elle use oisivement tout au long de son âge.

Car les huîtres n’ont pas de bourg ni de village,
N’allument cheminée en aucune saison,
N’habitent aucun clos ni aucune maison,
Ni aucune province ou fief, place ou baillage.

Plus leur plaît leur séjour au couvercle ingénieux
Que des logis humains le style prétentieux,
Plus leur calcaire dur qu’architecture fine,

Plus l’île d’Oléron que le Quartier Latin,
Plus leur silence frais que tous nos baratins,
Et plus leur lieu marin qu’une boîte à sardines

— Cochonfucius


Prophète d’athéisme

Je suis la voix qui crie à travers le désert,
J’appelle les nations à se tenir en garde.
Le fils du charpentier va devenir un barde
Et va vous submerger d’aphorismes divers.

Il ira promettant un monde sans hiver,
Royaume pour les purs, tout en bois sans échardes.
Si de ce beau royaume, hélas, la venue tarde,
Il bénira quiconque y croit dur comme fer.

Ne l’écoutez pas trop, car ce n’est qu’un poète,
En voulant faire l’ange, il fait souvent la bête.
Il ignore la science et le juste milieu.

Imitez-moi plutôt, j’écoute la nature
Qui chaque jour répète aux humbles créatures :
N’ayez point de prophète, il n’y a pas de Dieu.


— Cochonfucius

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Hyènes de Kipling et ma traduction

After the burial-parties leave
And the baffled kites have fled;
The wise hyaenas come out at eve
To take account of our dead.

Après le funèbre au-revoir,
Les vautours restent sur leur faim.
Les hyènes sages, sur le soir,
Viennent s’occuper du défunt.

How he died and why he died
Troubles them not a whit.
They snout the bushes and stones aside
And dig till they come to it.

Les faits de son heure dernière
N’ont pour elles aucune importance.
Leur museau pousse branches et pierres
Creusant toujours vers leur pitance.

They are only resolute they shall eat
That they and their mates may thrive,
And they know that the dead are safer meat
Than the weakest thing alive.

Ce qu’elles veulent, c’est manger,
Que du groupe la force augmente.
En cadavre est moins de danger
Qu’en la moindre chose vivante.

(For a goat may butt, and a worm may sting,
And a child will sometimes stand;
But a poor dead soldier of the King
Can never lift a hand.)

(Cornes des boucs, dards des cloportes,
Même un enfant se bat parfois;
Un soldat, quand sa chair est morte,
Ne lève pas le petit doigt).

They whoop and halloo and scatter the dirt
Until their tushes white
Take good hold in the army shirt,
And tug the corpse to light,

Glapissements dans la poussière.
Leurs blanches canines saisissent
Le mort par l’habit militaire,
Hors de la fosse elles le hissent.

And the pitiful face is shewn again
For an instant ere they close;
But it is not discovered to living men –
Only to God and to those

Reparaît le pauvre visage
Un instant avant l’hallali.
Mais ne le voit nul personnage,
Seul Dieu et les démons salis

Who, being soulless, are free from shame,
Whatever meat they may find.
Nor do they defile the dead man’s name –
That is reserved for his kind.

Qui de vergogne ou d’âme n’ont
Et mangent de toute charogne.
Hyènes ne tachent point le nom
Du mort : c’est humaine besogne.

— Cochonfucius

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Autre art poétique

Moi, j’aimerais ne plus jamais écrire en prose,
Ne plus rien raconter sur tout ce qui est gris,
Ne jamais mentionner ce qu’il y a de pourri:
Que sur rime et beauté tous mes textes reposent.

Que mon vers soit musique et soit un cri de joie,
Que mes quatrains dansants expriment mes désirs,
Et qu’ils soient traversés des aimables zéphyrs,
Beaux comme s’ils étaient anges vêtus de soie.

Que mon oeuvre élancée comme une cathédrale
Porte l’argent et l’or pour orner son sommet,
Et que son fier élan ne s’arrête jamais,
Rythmé par des pensées nobles et magistrales.

Ainsi près du comptoir déclamait un buveur
Dont les vers n’étaient point la moindre turpitude.
Chaque jour d’en écrire il avait l’habitude,
N’étant qu’un inutile et nébuleux rêveur.

Un compagnon lui dit « Mais, ton oeuvre est débile,
Tu ne sais pas chanter ni faire des chansons,
Tes récits prennent fin, tous, en queue de poisson,
C’est dur à écouter, ton discours malhabile. »

Du poète la voix quelque peu retomba:
« Je ne suis pas très fort, je m’en suis rendu compte,
Je fais ce que je peux et je n’en ai pas honte,
Car je ne vois pas quoi faire d’autre, ici-bas. »


— Cochonfucius

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Art poétique

Celui qui va lisant, écoutant un poème,
Quelquefois, il met tout son être en vibration,
De l’auteur il reprend les interrogations,
Le coeur du lecteur bat plus fort quand l’auteur aime.

Car l’auteur d’un écrit n’est pas juste lui-même,
C’est son clan, son village ou sa génération,
Ses ancêtres lointains, toute la création
Ayant mis dans son coeur et ses mots et ses thèmes.

Une culture écrit quand l’homme prend la plume.
Le paysan breton écrit avec sa brume,
Celui de la Provence avec le bel azur.

J’écris d’abord pour toi, si lointaine et si proche,
Ma muse, mon amour, ma joie et mon reproche;
Mais ce n’est pas secret, c’est écrit sur un mur.

— Cochonfucius

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Paraphrase du Coran (s. 24, v. 35)

Dieu, lumière du Ciel, lumière de la Terre!

Illuminant les Cieux comme un astre brillant,

Huile d’un olivier qui n’est pas d’Orient

Ni d’Occident non plus, huile tellement claire

Que sans recours au feu elle peut éclairer.

Clarté dans la clarté, brillance sur brillance.

Dieu choisit qui guider selon sa convenance,

Dans une parabole il peut nous déclarer

De chaque chose au monde un aspect véridique.

Homme, sois attentif et soumis à l’Unique.

— Cochonfucius

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Le regard de Saturne

N’attends pas de la lune une douce chaleur ;
Tu la crois lumineuse, or grisâtre est la sphère
Dont te semble, de loin, voir la blanche couleur,
Qui de sa vraie nature absolument diffère.

Ne crois pas ce poète un homme de valeur ;
Tu le crois inspiré, mon dieu, la belle affaire :
C’est une convulsion qu’inspire une douleur
Qui n’est pas éternelle et n’est pas mortifère.

Un sonnet ne contient aucun sérieux message ;
Un poète n’est pas un savant ni un sage,
Il n’a de sens en lui qu’il ne l’ait détourné.

La lune et la douleur parmi le ciel nocturne
Dansent sous le regard verdâtre de Saturne
Et sans atteindre un but ne cessent de tourner.

— Cochonfucius


50

On n’est pas sérieux quand on a cinquante ans,
N’étant plus agité des passions de jeunesse,
Ne brûlant presque plus, aimant l’amour, pourtant,
N’ayant plus trop le goût de tenir des promesses.

On se dit que bientôt arrivera le temps
Des premiers petits chocs de déclin, de vieillesse,
On dit « ne craignons rien, ce n’est pas important »,
On s’enfonce un peu plus en ignoble paresse.

Et puis on est scotché par une voix de femme,
Et sans l’avoir prévu voilà qu’on vit un drame,
Et l’on se dit « pourquoi ne suis-je déjà mort ? »

Ne pouvant plus parler, contemplant le ciel vide,
L’homme de cinquante ans, dont le coeur est limpide,
Bestiau pour l’abattoir, se résigne à son sort.

— Cochonfucius

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120

On n’est pas sérieux quand on a cent vingt ans,
N’ayant plus aucun muscle et plus aucune graisse,
Le coeur presque immobile, à peine palpitant,
Et plus aucun cheveu et ni ventre ni fesses.

On ne sait plus du tout comment était le temps
Des premiers pas du corps, de la première messe,
On ne sait ce que c’est que d’être bien portant.
On se sait un vivant, oui, mais de quelle espèce ?

Ne reconnaissant plus ce vieux fils d’une femme,
Les médecins ont pris son encéphalogramme,
Et le signal a dit : « Ça ne va pas très fort. »

Ne pouvant plus manger, ayant un regard vide,
L’homme de cent vingt ans est hélas trop timide
Pour oser demander qu’on débranche son corps.

— Cochonfucius

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2000

On n’est pas sérieux quand on a deux mille ans,
Le fils du charpentier, dont la mère est princesse
Des royaumes humains, les a fêtés, pourtant.
Le pape en son honneur a fait dire une messe.

L’homme de deux mille ans, ce monde visitant,
Le trouve sans amour, sans joie et sans noblesse.
Ceux mêmes qui de lui se disent militants,
Quand il voit comme ils sont, ça l’use et ça le blesse.

Ne reconnaissant plus, dans ce primate infâme,
Adam par lui sauvé, le sauveur perd sa flamme.
Il se dit : « J’aurais dû laisser, coquin de sort,

Ces humains sans aveu à leur monde putride »
L’homme de deux mille ans s’en retourne, placide,
Vers son lointain royaume, et plus jamais n’en sort.

— Cochonfucius

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Conversation décousue

Nos vies seraient un jeu de piste.
Le soir au long des boulevards
Nous attendraient les bouquinistes
Et les habitués du bar.

Merci, mais dis-moi si ton coeur
Est libre ou non, cela m’importe :
Car si tu étais un tricheur,
Je devrais refermer ma porte.

Dame tu es de mes pensées,
Je pourrais être ton mentor.
Je dis cette chose insensée,
De s’aimer on n’a jamais tort.

Tu dis cette chose subtile,
Alors, mon étrange amoureux,
Réponds à ma question facile :
Ton savoir te rend-il heureux ?

J’ai la jouissance du savoir,
Même un peu auto-érotique.
Je n’ai point regret de l’avoir,
Ma délectation sémantique.

Je m’en vais, j’ai peur de la neige
Qui rend trop glissants les chemins,
Et j’ai peur de notre manège
De caresses sans lendemain.

Je ne sais ce qui nous arrive.
C’est difficile, c’est trop fort,
Et ça s’en va à la dérive,
Et je tremble de tout mon corps.

Alors, reprenons nos distances,
Nous avons déliré assez.
Nous partagions cette souffrance.
Mieux vaut en parler au passé.

— Cochonfucius

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