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Victor (WH Auden et ma traduction)

Victor was a little baby,
Into this world he came;
His father took him on his knee and said:
‘Don’t dishonour the family name.’

Bébé Victor naquit, se trouva parmi nous,
Un jour son paternel le prit sur ses genoux
En lui disant, aussi sérieux qu’on puisse l’être,
‘Tu ne saliras pas le nom de tes ancêtres’.

Victor looked up at his father
Looked up with big round eyes:
His father said; ‘Victor, my only son,
Don’t you ever ever tell lies.’

Victor, levant les yeux vers son auguste père,
Les a ouverts tout grands, en muette prière,
Le père poursuivit : ‘Victor, toi, mon seul fils,
Je voudrais que jamais, jamais tu ne mentisses.

Victor and his father went riding
Out in a little dog-cart;
His father took a Bible from his pocket and read:
‘Blessed are the pure in heart

Victor, en voiture légère,
Ecoute la voix de son père
Disant ces mots de l’Ecriture :
‘Heureux ceux qui ont le coeur pur’.

It was a frosty December,
It wasn’t the season for fruits;
His father fell dead of heart disease
While lacing up his boots.

En décembre et dans la froidure
Que n’est aucune chose mûre,
Le coeur du père eut un arrêt
Quand il attachait ses lacets.

It was a frosty December
When into the grave he sank;
His uncle found Victor a post as cashier
In the Midland Counties Bank.

En décembre, en un froid polaire,
On l’a conduit au cimetière ;
Un oncle alors a gratifié
Victor d’un emploi de caissier.

It was a frosty December
Victor was only eighteen,
But his figures were neat and his margins straight
And his cuffs were always clean.

En décembre où gèle la plaine,
Il avait dix-huit ans à peine,
Mais il écrivait proprement
Et soignait bien ses vêtements.

He took a room at the Peveril,
A respectable boarding-house;
And Time watched Victor day after day
As a cat will with a mouse.

Il prit un logis confortable
Dans un endroit bien respectable ;
Mais le Temps mit un oeil sur lui
Comme un chat sur une souris.

The clerks slapped Victor on the shoulder;
« Have you ever had a woman? » they said,
« Come down town with us on Saturday night ».
Victor smiled and shook his head.

Ses collègues, de joyeux drilles,
Ont voulu le mener aux filles,
Samedi soir, pour s’amuser;
Il a poliment refusé.

The manager sat in his office,
Smoked a Corona cigar;
Said: « Victor’s a decent fellow but
He’s too mousey to go far ».

Le directeur dans son bureau
Fumait un cigare, et un gros.
« Victor, dit-il, il est bien brave
Mais sa timidité l’entrave ».

Victor went up to his bedroom,
Set the alarm bell;
Climbed into his bed, took his Bible and read
Of what happened to Jezebel.

Victor dans sa chambre est monté,
Son réveil il a remonté,
Au lit a relu dans sa Bible
De Jézabel la fin horrible.

It was the First of April,
Anna to the Peveril came;
Her eyes, her lips, her breasts, her hips
And her smile set men aflame.

Ce fut d’avril le premier jour,
Survint Anne, son bel amour,
Et tous les gars du voisinage
Ont pris feu pour ce beau visage.

It was the Second of April,
She was wearing a coat of fur;
Victor met her upon the stairs
And he fell in love with her.

Le deux avril, d’une fourrure
La belle avait fait sa parure.
Victor en montant l’escalier
D’amour fut pieds et poings lié.

The first time he made his proposal,
She laughed, said: « I’ll never wed »:
The second time there was a pause;
Then she smiled and shook her head.

D’abord quand il fit ses avances,
Elle les crut sans importance.
Et puis il a persévéré,
Elle a souri d’un air gêné.

Anna looked into her mirror,
Pouted and gave a frown;
Said: « Victor’s as dull as a wet afternoon
But I’ve got the settle down. »

Anne se voyant dans la glace
Se dit avec une grimace :
« Barbant comme pluie, ce Victor,
Mais je me résigne à mon sort ».

The third time he made his proposal,
As they walked by the Reservoir,
She gave him a kiss like a blow on the head,
Said, « You are my heart’s desire. »

Quand ensemble ils se promenèrent,
Il fit sa demande dernière,
Elle l’assomma d’un baiser
Disant « Oui, tu dois m’épouser ».

They were married early in August,
She said: « Kiss me, you funny boy »;
Victor took her in his arms and said:
« O my Helen of Troy. »

Début août ce fut leur union,
Elle a dit « Bisou, mon mignon » ;
Dans ses bras il a pris sa reine
Et la nomme Hélène troyenne.

It was the middle of September,
Victor came to the office one day;
He was wearing a flower in his buttonhole,
He was late but he was gay.

Vers la mi-septembre suivante,
Au travail Victor se présente
A sa boutonnière une fleur,
En retard, mais de bonne humeur.

The clerks were talking of Anna,
The door was just ajar:
One said: « Poor old Victor, but where ignorance
Is bliss, etcetera. »

Sur sa femme il voit qu’on disserte
Auprès de la porte entr’ouverte :
« Ce vieux Victor est le dernier,
Déclarent-ils, à s’en méfier ».

Victor stood still as a statue,
The door was just ajar;
One said: « God, what fun I had with her
In that Baby Austin car. »

Victor, immobile, en alerte
Auprès de la porte entr’ouverte
Entend un gars dire comment
En voiture être un bon amant.

Victor walked out into the High Street,
He walked to the edge of the town;
He came to the allotments and the rubbish heap;
And his tears came tumbling down.

Victor suit la rue du village,
Puis il se perd dans ses parages ;
Parvient aux sinistres faubourgs,
Pleurant à grands flots son amour.

Victor looked up at the sunset
As he stood there all alone;
Cried: « Are you in Heaven, Father? »,
But the sky said « Address not known. »

Victor, faisant face au couchant,
Tout esseulé, va demandant :
« Mon père, êtes-vous dans la nue ? »
Le ciel dit « Adresse inconnue ».

Victor looked up at the mountain,
The mountains all covered with snow;
Cried: « Are you pleased with me, Father? »
And the answer came back, « No ».

Victor regarde les sommets
Que la neige orne d’un plumet :
« Père, ai-je agi à votre guise ? »
« Aucunement », répond la bise.

Victor came to the forest,
Cried: « Father, will she ever be true? »
And the oaks and the beeches shook their heads
And they answered: « Not to you. »

Victor arrive dans les bois :
« Père, reviendra-t-elle à moi ? »
Hêtres et chênes, de leur front
Ont tremblé pour lui dire « Non ».

Victor came to the meadow
Where the wind went sweeping by:
Cried: « O Father, I lover her so, »
But the wind said: « She must die ».

Victor arrive au pâturage
Où le vent produit son ramage :
« Père, mon amour fut si grand. »
« Elle mourra », lui dit le vent.

Victor came to the river
Running so deep and so still:
Crying: « O Father, what shall I do? »
And the river answered: « Kill ».

Victor arrive à la rivière
A l’eau si profonde et si claire :
« Père, ne sais ce que je dois. »
« Tue-la », lui dit le ruisseau froid.

Anna was sitting at table,
Drawing cards from a pack;
Anna was sitting at table,
Waiting for her husband to come back.

Anne à une table est assise,
D’un jeu les cartes elle a prises,
Anne à une table se tient,
« Mon mari est là qui revient ».

It wasn’t the Jack of Diamonds
Nor the Joker she drew at first;
It wasn’t the King or the Queen of Hearts
But the Ace of Spades reversed.

Point n’a pris Valet de Carreau
Ni l’Excuse de son tarot,
Ni Roi fou ni Dame perverse,
Mais l’As de pique à la renverse.

Victor stood in the doorway,
He didn’t utter a word:
She said: « What’s the matter, darling? »
He behaved as if he hadn’t heard.

Victor se tenait à la porte,
Il n’a dit mot d’aucune sorte.
« Qu’avez-vous donc, mon cher époux ? »
Il n’a parlé ni peu ni prou.

There was a voice in his left ear,
There was a voice in his right,
There was a voice at the base of his skull
Saying: « She must die tonight. »

A sa gauche une voix l’exhorte,
A sa droite une autre voix forte,
La voix troisième en son cerveau
Disant « Envoie-la au tombeau ».

Victor picked up a carving-knife,
His features were set and drawn,
Said: « Anna, it would have been better for you
If you had not been born. »

Victor prend le couteau à viande,
Ses traits se figent et se tendent,
« Anne, il eût mieux valu pour vous
Ne jamais venir parmi nous ».

Anna jumped up from the table,
Anna started to scream,
But Victor came slowly after her,
Like a horror in a dream.

Très vite elle a quitté la table
En poussant un cri pitoyable,
Mais lentement la suit Victor,
Comme un cauchemar quand on dort.

She dodged behind the sofa,
She tore down a curtain rod.
But Victor came slowly after her,
Said « Prepare to meet Thy God. »

Derrière un divan se cachant,
D’une tringle à rideau s’armant,
Ne peut fuir Victor qui la cite
Devant Dieu à être traduite.

She managed to wrench the door open,
She ran and she didn’t stop.
But Victor followed her up the stairs
And he caught her at the top.

La porte elle ouvre avec violence,
En une course elle se lance,
Victor montant les escaliers
La rejoint au dernier palier.

He stood there above the body,
He stood there holding the knife;
And the blood ran down the stairs and sang:
« I am the Resurrection and the Life. »

Le couteau au-dessus du corps,
Il entendait chanter bien fort
Le sang : « Je suis, marches rougies,
La résurrection et la vie ».

They tapped Victor on the shoulder,
They took him away in a van;
He sat as quiet as a lump of moss
Saying: « I am the Son of Man. »

Sur l’épaule on lui mit la main,
L’hôpital au bout du chemin,
Lui, tranquille comme Baptiste,
Dit « Je suis Fils de l’Homme et Christ ».

Victor sat in a corner
Making a woman of clay,
Saying: « I am Alpha and Omega, I shall come
To judge the earth one day. »

Victor a pétri une femme
En argile, et ensuite il clame :
« Je suis l’Alpha et l’Oméga,
Celui qui tous vous jugera ».


— Cochonfucius


1978

Celle qui m’a changé de vie,
Je veux rester dans son regard,
Car ma vie d’errance est finie,
De solitude et de départs.
Notre jardin connaît nos coeurs,
C’est le but de nos seuls voyages,
C’est un ciel ouvert au vogueur
Quand l’amour fait rage.

Mon âme qui était flétrie
Et qui semblait d’un vieux routard
Ne s’endort plus dans les prairies,
Dans les temples, ni dans les bars ;
Bien sûr, j’ai cultivé des fleurs…
Mais j’aime mieux nos jardinages
De grands câlins et de bonheur
Quand l’amour fait rage.

Nous sommes deux anges qui prient,
Non pas au ciel, mais au plumard.
Nous sommes deux gamins qui rient,
Arrivant à l’école en r’tard…
Et plus rien ne nous fera peur :
J’ai mon courage et ton courage
Et ceux de tous les autres coeurs
Où l’amour fait rage.

Princesse, un pauvre chercheur
Maladroit de son langage
Te doit ce mot de valeur :
Que l’amour peut être rage.

— Cochonfucius

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Vagabondages

Mes souvenirs d’été : souvenirs de voyages,
Lorsque j’étais bien jeune, étudiant et sportif.
La route et le soleil, et mon vélo rétif
Ont gravé dans mon coeur ces vieux vagabondages.

Pédalant, essoufflé, sous le ciel sans nuages,
Sans pouvoir espérer le moindre apéritif
Sinon l’eau d’un ruisseau, sous les arbres, furtif
Et apaisant, discret, assez loin des villages.

Les courtes nuits d’été à dormir sous la toile
Après avoir longtemps admiré les étoiles :
Quel merveilleux sommeil, aux rêves miroitants…

Du début de l’été à la fin, solitaire,
Je n’étais amoureux que de toute la Terre,
Des horizons lointains et puis de l’air du temps.

— Cochonfucius

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Une huître (en hommage à Joachim du Bellay)

Heureux qui, comme une huître, oncques ne fait voyage,
Et n’a plume sur soi, pelage ni toison,
Et n’ayant de cerveau est pleine de raison
Qu’elle use oisivement tout au long de son âge.

Car les huîtres n’ont pas de bourg ni de village,
N’allument cheminée en aucune saison,
N’habitent aucun clos ni aucune maison,
Ni aucune province ou fief, place ou baillage.

Plus leur plaît leur séjour au couvercle ingénieux
Que des logis humains le style prétentieux,
Plus leur calcaire dur qu’architecture fine,

Plus l’île d’Oléron que le Quartier Latin,
Plus leur silence frais que tous nos baratins,
Et plus leur lieu marin qu’une boîte à sardines

— Cochonfucius


Le regard de Saturne

N’attends pas de la lune une douce chaleur ;
Tu la crois lumineuse, or grisâtre est la sphère
Dont te semble, de loin, voir la blanche couleur,
Qui de sa vraie nature absolument diffère.

Ne crois pas ce poète un homme de valeur ;
Tu le crois inspiré, mon dieu, la belle affaire :
C’est une convulsion qu’inspire une douleur
Qui n’est pas éternelle et n’est pas mortifère.

Un sonnet ne contient aucun sérieux message ;
Un poète n’est pas un savant ni un sage,
Il n’a de sens en lui qu’il ne l’ait détourné.

La lune et la douleur parmi le ciel nocturne
Dansent sous le regard verdâtre de Saturne
Et sans atteindre un but ne cessent de tourner.

— Cochonfucius


Dieu des poètes

Le fils du charpentier est le dieu des poètes.
Il a vécu sa vie comme un songe étonnant
Dans lequel il était Créateur et prophète,
Père, Fils et Esprit sur le monde tonnant.

Jean-Baptiste, qui fut un fier anachorète,
Vit en lui un Seigneur, et, un jour lui donnant
Un peu d’eau sur son front lors d’une grande fête,
Reçut la confession qu’il fit en fredonnant.

Cloué par les soldats sur le bois de justice,
Il dit de retenir la date du solstice
Pour marquer sa naissance et le règne du Bien.

Tous ses mots recueillis par ses mille disciples
Font un livre qui dit la gloire du dieu triple;
Ce livre est excellent, mais ce n’est pas le mien.

— Cochonfucius

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Petite collection de haïkus

Princesse arc-en-ciel
Après la pluie le beau temps
Je te vois sourire

Du ciel de grisaille
Mille oiseaux viennent criant
Espoir d’éclaircie

J’écris ces trois lignes
Pour montrer le vent d’avril
Vainement j’écris

Jardin printanier
Mille reflets dans la vitre
Mille fleurs inverses

La glace du lac
Ne croit pas être un miroir
Pas de ciel inverse

La parole inverse
Parfois l’ordre des pensées
Miroir syntaxique

Averse pascale
Les passants dionysiens trempent
Leurs pieds dans les flaques

Christ ressuscité
Entre dans une taverne
Finir son calice

Premiers escargots
Escaladant une vitre
Ils pensent qu’ils volent

Putain de poème,
Un haïku berthelinesque
Qui se mord la queue

Isaac Newton
Dit voyant un arc-en-ciel
Complexe lumière

— Cochonfucius

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Chanson du tarot

Le lion, un beau printemps, s’éprit de la licorne.
La papesse a béni ces très nobles amours.
Le soleil et la lune ont prié à leur tour
Pour que de ces amants le bonheur soit sans bornes.

L’ours et la courtisane ont offert une cruche
Pleine de bon vin rouge au prix de cent deniers
Que généreusement avança l’usurier;
Le Mat et le Dragon, du miel pris dans leurs ruches.

L’empereur fit cadeau d’une partie du monde,
L’ermite d’une chambre en la forêt profonde,
Moi, poète, d’un chant que dit la voix du loup.

La licorne et le lion à la sortie du temple
Ont repris ce doux chant et leurs voix furent amples:
Cependant ma chanson ne valait pas un clou.

— Cochonfucius

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Il fit sa croix

Il fit sa propre croix, le fils du charpentier,
Lui qui était fait pour citer les Ecritures,
Parcourir les chemins, guérir les créatures…
Mais de son propre corps il n’a pas eu pitié.

Il en eut pour longtemps sur ce sacré chantier;
Le bois des oliviers est une essence dure.
Il ne savait à qui adresser la facture,
Au Père et à l’Esprit peut-être, par moitiés.

Construisant le moyen d’entrer dans le néant,
Et aussi d’édifier même les mécréants
Par sa résignation et sa douceur parfaites,

Pour faire de l’esclave un homme moins craintif,
Pour réparer le tort du vieil Adam fautif,
Il accepta la mort qu’annonçaient les prophètes.

— Cochonfucius

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Le mouvement social

Dieu sonnait pour avoir son café matinal.
Mais Gabriel survint, mains vides, triste mine.
« Seigneur, pardonnez-moi, je viens de la cuisine,
Pas de café, suite à un mouvement social. »

Dieu dit à Gabriel : « Espèce d’animal,
Les mouvements sociaux, moi, je les élimine,
Ne suis-je le seigneur qui crée, qui extermine ?
Soit j’aurai mon café, soit c’est le tribunal. »

Gabriel y retourne et n’obtient nul café.
De la cuisine il fait un grand autodafé,
Des anges marmitons un seul petit subsiste.

Dieu, l’ayant convoqué, lui demande pourquoi
Vainement s’opposer à lui et à sa loi.
« Comme suicide ici, c’est tout ce qui existe. »

— Cochonfucius


Deux Ingénieurs {suivi de} Jours de 2010

Échange entre Cochonfucius en bouts rimés,  suivant « Deux Ingénieurs » (qui est publié ailleurs sur « mes poèmes »).
J’ai laissé le petit poème qui fut suivi de notre long échange.

(continue reading…)

— Babylon5


L’absence de croix

Il fallait mettre en croix le fils du charpentier
Pour que fût accompli le mot des écritures.
Pilate a donc jugé la pauvre créature,
Non sans lui prodiguer une vaine pitié.

Cependant de la croix l’inachevé chantier
Trop inutilement offensait la nature,
Car, même s’il avait encaissé sa facture,
L’artisan avait fait son dû moins qu’à moitié.

Seul était là un trou, profond, sombre, béant,
Bien fait pour recevoir un pylône géant,
Mais vide, défiant les foules stupéfaites.

Pilate interrogea les esclaves craintifs :
« De l’inachèvement, qui donc est le fautif ? »
« Maître, on attend les plans fournis par les prophètes »

— Cochonfucius


Borges avec Mezey et Barnes, et ma traduction

Somos el tiempo. Somos la famosa
parábola de Heráclito el Oscuro.

We are time. We are the much renowned
saying of Heraclitus the Obscure.

Le temps c’est nous, et nous sommes la fable
Que nous disait Héraclite l’Obscur.

Somos el agua, no el diamante duro,
la que se pierde, no la que reposa.

We are water, not diamonds that endure;
what ebbs and passes, not what holds its ground.

Nous sommes d’eau, et non de diamant dur,
D’eau qui se perd et n’a de lieu durable.

Somos el río y somos aquel griego
que se mira en el río. Su reflejo

We are the Greek who sees himself in the stream;
we are the stream. His brief reflection shimmers

C’est nous le fleuve et c’est nous l’homme grec
Se regardant dans l’eau, et son image

cambia en el agua del cambiante espejo,
en el cristal que cambia como el fuego.

in water which is made of shimmering mirrors,
in the dark glass that shimmers like a flame.

Qui toujours danse au miroir si volage,
Virevoltant comme un feu de bois sec.

Somos el vano río prefijado,
rumbo a su mar. La sombra lo ha cercado.

We are the stream, predestinate and vain,
heading down to the sea pursued by shadows.

C’est nous, vain fleuve, astreint à son parcours
Vers l’océan, et c’est l’ombre alentour.

Todo nos dijo adiós, todo se aleja.

La memoria no acuña su moneda.

Everything said goodbye, everything goes.

Memory no longer mints its coin.

Tout dit adieu, tout va vers d’autres rives.

Et plus ne bat monnaie notre mémoire.

Y sin embargo hay algo que se queda
y sin embargo hay algo que se queja.

And nevertheless there is something that remains,
and nevertheless there is something that complains.

Reste pourtant une chose, il faut croire,
Reste pourtant une chose plaintive.


— Cochonfucius

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Anonyme italien et ma traduction

Par che l’angel, la stella, il sol, la luna
Col mondo, et chi con lui di viver brama,
Odiano la beltà, che il cielo aduna
Nel viso altier de la signora Mama.

Puisque l’ange et l’étoile et que soleil et lune
Et le monde et ceux qui là veulent exister
Détestent le présent du ciel, que la beauté
Noble de notre Dame autant les importune,

Forsi per esser tra le Dee queste una
Che lor spogli del ben, che ‘l valor ama,
O pur, per che ne morte, o ria fortuna
Dal fermo suo voler maj la richiama :

Soit qu’en étant déesse (autant qu’il en fut une)
Elle leur prend leur bien et leur chère fierté,
Ou que ni par la mort ni l’incommodité
A son ferme vouloir il n’est mis de lacune :

Però dee creder fermamente ognuno
Ch’un spirtito malvagio habbia costej
Supposta solamente al Bagattino

Apparemment chacun ici s’en va croyant
Que dedans cette dame est esprit malveillant
Par le mauvais jongleur surpassé seulement ;

Per poter dire i buoni tarocchi mej
Saran, s’avien ch’io giuochi, et questi uno
Vo trare il Matto ch’è cervel divino.

Pour me pouvoir tirer dès lors un bon tarot,
En choisissant je veux me tenir à carreau :
Je tirerai le Mat, divin entendement.

— Cochonfucius

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La liberté

Je ne leur ferai plus la guerre.
Qu’ils crèvent de leur ambition,
Marchands de soupe et de galère
Et marchands de révolution.

Mieux vaut la sagesse précaire
D’un ermite en méditation,
Mieux vaut dormir, mieux vaut se taire
Qu’entrer dans leurs machinations.

Si je meurs dans les ans qui viennent,
Que de ma vie je me souvienne
Sans tristesse ni sans fierté.

Je n’ai acquis nulle richesse
Ni accompli nulle prouesse,
Mais j’ai gardé ma liberté.

— Cochonfucius

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Cunégonde

Je me souviens de Cunégonde,
Qui avait délaissé ce monde
Dans lequel la luxure abonde,
Et fut dans une chambre ronde

Pour, recueillant les bonnes ondes,
Avoir une pensée féconde
Ainsi qu’une vertu profonde,
Et au mal ne lâcher la bonde…

Mais le désir en elle gronde.
Ce qui jadis lui fut immonde
Emplit son esprit et l’inonde.

Dommage qu’ainsi se morfonde
La fille autrefois vagabonde,
Beauté à nulle autre seconde.

— Cochonfucius

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Emily Brontë avec ma tentative de traduction

There should be no despair for you
While nightly stars are burning,
While evening sheds its silent dew
Or sunshine gilds the morning.

Qu’il n’y ait pour toi nul désespoir
Quand la nocturne étoile veille,
Quand sans bruit vient l’humide soir
Ou que le matin s’ensoleille.

There should be no despair, though tears
May flow down like a river;
Are not the best beloved years
Around your heart forever?

Nul désespoir, car si tes larmes
Nous semblent les flots d’un torrent,
N’as-tu point des ans pleins de charme
Qui ton coeur vont environnant?

They weep, you weep, it must be so,
Winds sigh as you are sighing,
And winter pours its grief in snow
Where autumn leaves are lying.

Tous pleurant, tu pleures, c’est sûr,
Les pleurs du vent tes pleurs escortent,
L’hiver pleure sa neige sur
Le sol jonché de feuilles mortes.

Yet they revive, and from their fate
Your fate cannot be parted.
Then journey on, if not elate,
Still, never brokenhearted.

Des feuilles reviendront, princesse,
Et ton destin ressemble au leur.
Suis ton chemin, non d’allégresse,
Mais de la fermeté du coeur.


— Cochonfucius

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Vanité de l’acte d’écrire

Tout ce qui devient texte est parole qui meurt.
Le premier qui apprit à geler un message
Fut comme ceux qui tuent les oiseaux de passage,
Il avait un penchant mortel dans son humeur.

Peut-on écrire un rire, orthographier un pleur,
Transcrire le jargon d’un idiot de village ?
La langue en résistant nos plumes décourage
Comme notre pinceau se décourage aux fleurs.

Un mot qui dans le coeur mit trois jours à mûrir,
Fixe-le au papier, tu le feras mourir,
Comme du papillon l’aile devient poussière.

Des sages d’autrefois retiens le sobre avis :
Ecrire c’est vouloir arrêter les rivières ;
La langue est hors la loi, comme tout ce qui vit.

— Cochonfucius


Jeanne rêve du grand Charles

Jeanne affronta l’Anglais tout un jour de juillet,
Qui à la fin du jour de partout s’enfuyait.
Or, s’étant endormie, elle vit, sans armure,
Un chevalier français à la haute stature

Qui d’une main sur elle, en douceur, s’appuyait,
Tout en lui demandant si point ne l’ennuyait.
Jeanne qui lui trouvait bien séduisante allure
Le pria de narrer sa dernière aventure.

Charles, précisa-t-il, est le nom que je porte.
Avant que les Anglais du malheur ne la sortent,
La patrie en mon temps bien des maux a souffert.

Jeanne, un peu incrédule, écoute le grand Charles
Et croit vrai ce qu’il dit. Puis d’autre chose ils parlent,
C’est de guerre et de paix, du ciel et de l’enfer.

— Cochonfucius


C’est un pays.

Bienvenue dans mon pays…

Dans ce pays très peu lointain,
Personne n’est jamais allé.
C’est un pays, ou ce n’est rien
Qu’une illusion, une fumée.

C’est un pays avec des tours,
Des bois, des châteaux embrumés ;
Des rues très droites, de grandes cours
Et des fermes abandonnées.

Il y a des arbres qui bougent
Avec leurs feuilles tous les soirs
Sur des fillettes en robe rouge
Cherchant leur maison dans le noir.

C’est un pays avec des gens
Qui semblent ne pas voir, et marchent
Sur des trottoir couleur de sang,
Quand on les croise sous les arches.

C’est un pays avec des temples
Au bout d’avenues désertées.
Du haut des flèches vous contemplent
Des sortes d’oiseaux effarés.

C’est un pays mal éclairé,
Par un soleil dont la lueur
Pâle et dorée semble filtrée
Par les yeux frissonnants des fleurs.

C’est un pays tout intérieur,
Chacun y voit sa vérité
C’est un pays dont on a peur
Tant qu’on n’a pas le fond touché.

C’est un pays où l’on rencontre
Des vieillards à double visage,
Sans chapeaux, appuyés tout contre
Les hauts murs donnant de l’ombrage.

C’est un pays peuplé de chiens,
De chevaux furieux, galopant
Sans fers ni cavaliers humains
Sur les silex étincelants.

C’est un pays vide d’écoles,
Un pays où l’on ne fait rien
Tout le jour assis dans l’herbe folle
Que regarder venir demain.

Dans ce pays, le temps est lent.
Il y a des rivières. Elles roulent
Leurs cailloux et poissons d’argent,
Noyés, diamants, sable qui coulent.

Dans ce pays, si l’on y va
On peut par mégarde y rester
Peut-être bien qu’on restera
Sous un cèdre à jamais couché.

Dans ce pays tous les enfants
Jouent entre eux, parlant à voix basse.
Leurs jeux sont peut-être amusants
Mais ils se taisent quand on passe.

C’est un pays où les parents
Ne restent jamais : ils ont peur
De ces enfants aux yeux méchants
Qui déjà ne sont plus les leurs.

Pourtant ce pays a ses charmes
La vie s’y passe étrangement,
Avec des ombres et des drames
Déployés théâtralement.

Il fait bon vivre en ce pays
Pour celui qui n’a plus de pleurs ;
Dans la pénombre qui sourit
On entend des chants et des Chœurs.

C’est un pays qui est profond
Géré par un autre destin
Avec des pentes et des monts
Qui vous ouvrent d’autres chemins.

C’est un pays d’enfants sauvages
D’animaux désobéissants
Un pays sans tenue, peu sage
A rebours du soleil tournant.

C’est un pays, oui, un pays,
Qui en fait n’est pas très lointain
Ceux qui viennent de ce pays
Tiennent leur coeur entre leur mains.

Dans ce pays on ne peut voir
De satellite que le jour :
La lune poursuit sans espoir
Le soleil qui fuit son amour.

Elle est radieuse pourtant,
Plus lumineuse qu’une étoile
Je crois le soleil mécontent
De voir qu’elle lui fait un voile.

Le soleil se sent ridicule
En ce pays trop écarté
Pour que sa lumière ne brule
Avec assez de majesté.

En ce pays, le soir venu,
On est heureux ou on a peur :
Suivant les jours, le temps, l’humeur,
Des amants se promènent nus.

Mais aussi il est certains soirs,
Où les grands bois sont menaçants :
Leurs ombres suivent dans le noir
Ceux qui se sauvent en courant.

C’est un pays qui est selon :
Il y a des sables mouvants,
Mais aussi de jolies maisons
Au fond de jardins florissants.

Dans ce pays, tous les chemins
Montent ou descendent, vers des collines
Peuplées par des peuples anciens
Parlant une langue divine.

Babylon5

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— Babylon5


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